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Profession avocat : Après la pluie, le beau temps ?

Le rapport Perben, du nom de l’ancien garde des Sceaux sous la deuxième présidence de Jacques Chirac, a été remis à l’actuel ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti. Il livre treize recommandations sur l’avenir de la profession d’avocat. Entretien avec Me Viallard-Valézy, bâtonnier du barreau de Saint-Etienne.

La réforme des retraites et les mouvements de grève qui en ont découlé, puis la crise sanitaire ont fragilisé les cabinets. Comment à Saint-Etienne, avez-vous traversé cette période ?

La période a été compliquée car on a peu plaidé depuis le début de l’année. Peu de dossiers plaidés, c’est forcément peu de rentrées financières. En revanche, on a essayé avec la juridiction de faire en sorte que lorsque les dossiers pouvaient être déposés, ils le soient pour essayer d’avancer aussi dans l’intérêt du justiciable. Et puis surtout, l’ordre s’est mobilisé pour que les aides juridictionnelles puissent être payées très régulièrement. Il n’y a aucun retard au niveau de ces paiements ce qui permet aux cabinets d’avoir un petit peu de trésorerie.

Avez-vous pu bénéficier de mesures de soutien, comme cela a été le cas pour certaines professions indépendantes ?

Certains avocats ont pu prétendre au bénéfice de certaines dispositions. L’accès au fonds de solidarité s’est fait au niveau de chaque cabinet, car il fallait réunir un certain nombre de conditions, notamment liées au chiffre d’affaires de l’année antérieure et puis avoir une diminution du chiffre sur cette période par rapport à l’exercice précédent. On vient aussi d’obtenir une aide donnée par la Région, d’un montant de 500 € par avocat, qui sera reversée prochainement à chaque confrère. Ce n’est pas énorme, mais ça permet quand même de diminuer le coût de la cotisation à l’ordre, car l’idée était de faire en sorte que les confrères aient des cotisations moins élevées cette année, puisque nous ne pouvions les réduire de notre côté, eu égard à notre besoin en fonctionnement.

Ce rapport Perben entend renforcer les cabinets, quel a été votre sentiment à sa lecture et qu’en attendez-vous ?

Nous avons l’espoir que certaines dispositions soient adoptées parce que je pense que l’ancienne ministre de la Justice avait pris la mesure des difficultés de la profession au début du confinement, ce qui a entraîné la création de cette commission autour de Dominique Perben. Par rapport à la mission qui a été donnée au départ, une disposition non-prévue – qui a trait au secret professionnel – a été ajoutée. On sait que c’était un combat du ministre actuel, on peut se dire alors que ce rapport ne restera peut-être pas dans les tiroirs.

Le rapport dépeint une profession qui n’aurait pas su se renouveler en s’enfermant dans une conception traditionnelle du droit. Quels seraient ces nouveaux champs à investir selon vous ?

Ils sont essentiellement liés à la procédure participative. En tant qu’avocat, nous avons souvent le réflexe de faire trancher la difficulté par le juge et l’idée aujourd’hui, parce que les juridictions sont saturées, est peut-être d’éviter le procès et de faire des actes entre avocats, avec l’accord des parties. Dans ce rapport, ce type d’acte aura force exécutoire. On établira ainsi une convention qui aura la valeur d’une décision de justice.

Parmi les treize proposition que ce rapport formule, quelles sont les mesures qui vous paraissent les plus intéressantes à retenir et pourquoi ?

A mon sens, deux choses me paraissent importantes. C’est la revalorisation de la profession d’avocat avec la réévaluation de l’aide juridictionnelle, et aussi une meilleure reconnaissance du travail de l’avocat avec la possibilité pour lui, lorsqu’il plaide un dossier, de demander la condamnation de l’adversaire au montant total des frais, en donnant ces factures. Cette revalorisation de notre métier passe aussi par la possibilité d’établir des actes qui auront force exécutoire dans le cadre de modes alternatifs de règlements des conflits.

Enfin la question de la protection du secret professionnel est importante pour notre profession. Que ce soit dans le cadre de la défense ou du conseil, on se rendait bien compte qu’il y avait une atteinte qui était portée à ce secret, avec la possibilité de faire des perquisitions, des interceptions ou de demander des relevés téléphoniques alors même qu’il n’y avait pas forcément une participation de l’avocat à une entreprise délictuelle. Pour le coup, il faudra des indices précis montrant que l’avocat a participé à des infractions pour que les services d’enquête puissent recourir à des perquisitions ou obtenir les fadettes. Cette décision devra être motivée par le juge de la liberté et de la détention et le bâtonnier pourra aussi demander l’annulation de cette perquisition ou de l’interception, en l’absence de poursuites engagées auprès de l’avocat. Les services d’enquête seront réticents à engager de tels actes s’ils peuvent être annulés après coup. Si cette mesure est adoptée, on va véritablement dans le sens du renforcement du secret professionnel qui est important pour notre métier.

Propos recueillis par Stéphanie Véron


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